JOSÉPHINE&COCO
Titre : Joséphine et Coco, icône sur soie 130/130 cm, Pièce unique. 2015
Coco Chanel et Joséphine Baker jouent aux cartes dans une ambiance enfumée. Les jeux sont faits, la guerre est finie. Ces deux icônes de la vie parisienne ont joué un rôle tout à fait inattendu dans la seconde guerre mondiale mais la littérature qui les entoure en fait rarement état.
Coco Chanel et Joséphine Baker jouent aux cartes dans une ambiance enfumée. Les jeux sont faits, la guerre est finie. Ces deux icônes de la vie parisienne ont joué un rôle tout à fait inattendu dans la seconde guerre mondiale mais la littérature qui les entoure en fait rarement état.
L’écrivain américain Hal Vaughan explique dans un livre publié en 2011 que Coco Chanel fût un agent de la Gestapo. Ses amitiés avec des dignitaires Nazis -bien que passablement occultées dans les films qui lui sont consacrés- sont aujourd’hui avérées et lui auraient au minimum valu selon la (sinistre) tradition de la tonte, de devoir se parer d’une coupe de cheveux minimaliste à la libération. Si tel eut été le cas elle s’en serait en réalité tirée à bon compte puisque selon le livre, Coco ne devrait sa liberté (et peut-être même sa tête) qu’à une intervention personnelle de son ami Winston Churchill qui fit en sorte qu’elle soit libérée et échappe à de très ennuyeuses poursuites pour collaboration. Des accusations d’une gravité telle qu’elles auraient pu déclencher une profonde crise d’image pour la marque. Il n’en est rien.
Vaughan qui fût peu -mais suffisamment relayé dans la presse pour provoquer une réaction- a pourtant trouvé dans la réponse de la direction de Chanel une confirmation tacite de ses dires. En effet, la maison parisienne, qui n’a pas souhaité intenter une action en justice contre lui, ni même rejeter ses accusations, a simplement invoqué la ”part de mystère” (de Coco) pour justifier de son attitude pendant la guerre. Comment expliquer le quasi silence de la presse face à un tel scandale ? Le poids de l’industrie du luxe français qui figure parmi les plus gros annonceurs de presse nationale et internationale est-il étranger à cela ? Probablement non, c’est en tout cas ce que semble expliquer Le Monde dans une courte phrase consacrée à l’affaire. Une information ultra sensible noyée au cœur d’un article fleuve intitulée “Coco possédée par sa légende“. Un article-catalogue qui évoque mais sans s’y attarder de cette incroyable révélation et de son (non-) traitement par les médias. Une manière lapidaire d’évoquer cette affaire qui de fait la dé-hiérarchise au profit d’une foultitude de détails gossip sur les affres de la vie privée de Mademoiselle Chanel. Coup double pour Le Monde -dont certains grands actionnaires, faut-il seulement le rappeler, sont liés à l’industrie du luxe- qui se dédouane ainsi d’occulter un scandale tout en minimisant la portée ! Beaucoup plus fin que l’autocensure, tout aussi efficace. Comment a été organisée la gestion de crise ? Sans doute par la mobilisation d’un grand communicant par Alain et Gérard Wertheimer, les deux principaux actionnaires de Chanel, pas rancuniers apparemment puisque Coco, toujours selon Vaughan, aurait tenter de faire spolier, à son profit, et grâce à sa position privilégiée au sein du Reich, leurs ancêtres juifs, déjà propriétaires des parfums Chanel maison avant guerre. Comment les médias Mainstream ont ils pu construire et continuent à propager le mythe d’une coco ambassadrice du style, du raffinement, voir de l’esprit français, de l’après guerre à nos jours, en occultant une telle ignominie ? Au delà de la découverte de son appartenance à la Gestapo sa fréquentation quotidienne des nazis ne suffisait-elle pas à justifier d’une mise au ban (même provisoire) au lendemain de la guerre ? Ces mêmes médias qui présentent le plus souvent une Joséphine Baker affublée d’une ceinture de bananes plutôt que décorée de la médaille de la résistance, de la croix de guerre et de la légion d’honneurs que lui valu son action héroïque en tant qu’agent de renseignement de la France Libre. Elle, qui toute sa vie à combattu le racisme, demeure de part la surexploitation d’une imagerie qui ne concerne qu’une courte partie de sa carrière, un des pires symbole de rabaissement ethnique qui soit : l’association noir-singe. Une imagerie raciste qui contrairement à celle d’une Coco philo-nazi n’a pas été gommée. Les images de la ceinture de bananes n’ont d’ailleurs jamais été critiquées et sont encore régulièrement publiées dans la presse dans des articles sur les années folles sans notices particulière sur la dimension raciste de ces illustrations. Pourtant la polémique sur Banania a finalement eu raison du Ya Bon. “Le droit à l’oubli “ dont on parle aujourd’hui pour le commun des mortels mais qui dans le cas des personnalités publiques et la gestion de leur héritage moral relève de la falsification révèle ici la perversion d’un système où les agences de communication utilisent leur puissances de feu médiatique pour supplanter travail des historiens et asseoir toujours un peu plus des empires qui vivent aujourd’hui moins de leur production que des mythes et de l’image auxquels on les associe. Des empires comme Dior, malgré la sensibilité néo-nazie de certain de ses héritiers et les déclaration judéophobes de son ex-couturier phare John Gagliano n’ont jamais réellement subit de préjudices. Même chose pour Guerlain, Hugo Boss ou l’Oréal. Bien sûr une entreprise ne pourrait être attaquée dans sa globalité pour des faits concernant certains de leurs éminents représentants. Mais si Dior a renié Galliano, Chanel ne peut se permettre d’en faire de même pour Coco, dont l’empreinte est indissociable de la marque. Le luxe, qui par définition flatte les puissants, étaye parfois les arguments des partisans d’une domination naturelle et sans états d’âmes des forts sur les faibles. Peut-on pour autant établir une corrélation entre l’élitisme physique et social promue par certains acteurs de l’industrie du luxe et la hiérarchisation des être humains selon leurs caractéristiques physiques et génétiques tel que le proclamait la propagande nazie à travers le mythe des sous- et sur- hommes ? En fait quand on célèbre les puissants et que l’argent rentre en jeu, les choses ont tendance à devenir très complexes. Coco dont on ne peut nier aujourd’hui l’antisémitisme fût néanmoins très ambigüe dans son rapport aux juifs qu’elle fréquentait volontiers. Elle les hiérarchisait d’ailleurs selon sa biographe Justine Picardie en ces termes : ”Les grands juifs, les Israélites et les youpins”. De même Joséphine Baker, bisexuelle notoire, n’a t’ elle pas chassé de chez elle un de ses fils adoptifs parce qu’il était homosexuel alors même qu’elle avait choisi d’adopter des enfants de toutes origines en signe d’ouverture. Des enfants qui furent élevés dans un château qui lors de la quasi faillite de Joséphine fût sauvé par un chèque signé par une autre grande icône féminine du XXème siècle, Brigitte Bardot. Brigitte Bardot, qui elle, n’est pas épargnée par la presse quand il s’agit de souligner ses liens avec l’extrême droite. Son nom ne pèsera certainement pas autant que celui de Coco dans la balance commerciale de la France ? L’histoire des mythes et de leur construction n’échappe pas aux contradictions des êtres qui les incarnaient, et les agences de communication ont pour mission de les diluer dans la légende. Elles forgent ainsi l’imaginaire collectif d’un public toujours plus fasciné par la culture des dominants, l’exclusif et le luxe et sur lequel des marques et les ayants-droits de personnalités parfois obscures et pour certaines mêmes extrêmement malveillantes prospèrent plus que jamais. Commentaire/comment/commento |